Les raisons d’une saison sans phases finales

Malgré une fin de saison en boulet de canon, avec cinq victoires sur les six derniers matchs, le Stade Rochelais a loupé le coche d’une place et d’un point le top 6, synonyme de phases finales. Il faut remonter le cours de la saison voire à la saison dernière pour apercevoir les signes du déclin de La Rochelle. Explications.


Pour la première fois depuis 2018, le Stade Rochelais n’est pas qualifié pour les phases finales de Top 14. Un résultat loin d’être anormal au vu de la saison des Maritimes et qui met en exergue la baisse de niveau des Jaune et Noir. Le déclin du club à la caravelle est causé par de multiples facteurs : un manque de régénération du groupe depuis deux saisons, des méthodes de management et d’entraînement qui passent moins bien auprès des joueurs et surtout une série inédite de neuf matchs sans victoire cette saison. Même si l’éclaircie de fin de saison a fait espérer joueurs et supporters, pour une qualification en phases finales, ce n’était que l’arbre qui cache la forêt. Le Stade Rochelais a payé cash son irrégularité tout au long de la saison et termine donc à une cuisante 7ème place.


Un effectif (très) vieillissant

Un des facteurs majeurs de cette baisse de niveau est le recrutement ou plutôt le non-recrutement de la part du club. Depuis deux intersaisons, seulement cinq joueurs sont arrivés au club. Autres chiffres encore plus démonstratifs de ce recrutement, à l’intersaison 2024-2025, le Stade Rochelais a recruté un seul joueur en la personne de Kane Douglas (35 ans). Vunivalu arrivé en joker médical cette saison fait office de deuxième recrue pour les Jaune et Noir. Finalement le recrutement de Kane Douglas est à l’image du club : miser sur l’expérience et sur la continuité des joueurs déjà présents.

Un manque de régénération du groupe criant depuis deux saisons et qui se remarque à la moyenne d’âge du groupe professionnel (31 ans). Une moyenne croissante qui s’observe également sur le terrain où les joueurs vieillissent, à l’image d’un Tawera Kerr-Barlow, Jonathan Danty ou encore Brice Dulin. Tous trois des joueurs phares des années phares de La Rochelle, mais qui aujourd’hui avec l’âge sont moins performants, moins impactants qu’auparavant. Avec un effectif qui vieillit et un non-recrutement des dirigeants, les regards se tournent directement vers le centre de formation et les espoirs rochelais qui toquent à la porte de l’effectif professionnel.

Comme on a pu le constater au cours de la saison, le manager irlandais a du mal à intégrer les jeunes au plus haut niveau. Seuls quelques joueurs sont sortis du lot, à savoir Oscar Jegou, Hoani Bosmorin ou encore récemment Nikolozi Sutidze. Le reste des joueurs espoirs sont utilisés par intermittence et surtout quand il y a des absences. C’est donc par manque de choix que Ronan O’Gara décide de lancer des Simon Huchet, Tyreese Leupolu, Charles Kante-Samba… pour ne citer qu’eux, lors de la 15e journée de Top 14 face à Toulon.

La montée des jeunes dans le groupe professionnel aurait pu amener un vent de fraîcheur dans le groupe, mais le manager rochelais en a décidé autrement et a continué à accorder sa confiance à des joueurs, à un groupe avec qui il a déjà gagné dans le passé. En témoigne cette confiance, la razzia de prolongations qu'a officialisé le club à la caravelle au cours de ces deux dernières saisons. 17 joueurs ont été prolongés lors de l’année 2024, confortant ainsi les joueurs déjà en place.

En plus de la vieillesse de certains, d’autres joueurs n’ont pas été à leur niveau cette saison. Dans ce cas, on retrouve Reda Wardi, le pilier international qui a eu du mal à enchaîner les bonnes prestations et n’a pas été épargné par les blessures. Tout comme son compère de la première ligne, Pierre Bourgarit, encore trop souvent absent cette saison et qui lors de ces retours n'a pas entièrement donné satisfaction. Ou même un joueur comme Antoine Hastoy où son début de saison était loin de ressembler à son niveau actuel.

Joueurs en méforme, joueurs vieillissants, joueurs décevants… Chaque élément mis bout à bout décrit bien un problème d’effectif au Stade Rochelais, montrant le manque d’investissement des dirigeants rochelais et un déséquilibre depuis quelques saisons. Aujourd’hui, ce manque d’investissement est payé cash en finissant le championnat hors du top 6.


Des méthodes de management dépassés ?

Autre question à se poser sur l’échec de cette saison, c’est limportance de Ronan O’Gara et son staff. Comme dit précédemment, le groupe rochelais est vieillissant et également usé par des méthodes d’entraînement, des méthodes de jeu qui n’ont pas évolué ou que très peu évolué depuis l’arrivée du manager irlandais. Il y a pourtant une nouvelle personne qui a intégré le staff pour permettre d'insuffler un nouveau style de jeu, à l’image de Rémi Talès qui s’occupe du jeu au pied et intervient dans l’entraînement des trois-quarts avec Sébastien Boboul.

Malgré ça, le jeu déployé par les Maritimes est aujourd’hui devenu obsolète. Il faut rappeler que le style de jeu qui a fait la force de La Rochelle lors de ses sacres européens, c’est de s’appuyer sur un très solide packer d’avant, c’était l’identité rochelaise. Avec notamment un Uini Atonio et un Will Skelton en fer de lance de ce paquet d’avants. L’objectif des huit avants rochelais était de concasser les défenses adverses en s’appuyant sur un jeu très direct et très physique. Ce qui permettait également aux arrières de mieux se déployer face à des défenses usées par les charges maritimes. En signe de cette puissance, la mêlée rochelaise était reconnue comme une des meilleures de France.

Aujourd’hui, le jeu rochelais est dépassé et surtout trop lisible pour les adversaires. Le rugby évolue. Les équipes modernes s'appuient beaucoup plus sur un jeu d'arrière, comme on peut le voir chez les Bordelais par exemple. Cette évolution du rugby n'a malheureusement pas touché les terres maritimes, le staff rochelais a continué de s’appuyer sur ce qui a fait sa force, à savoir la puissance des avants. Cependant, depuis deux saisons, on voit les principaux porteurs rochelais usés et moins impactants qu’avant. À l’image de la blessure de Uini Atonio, survenue lors du dernier match. Le pilier international manquera six mois de compétition. À force de trop tirer sur la corde, elle finit par casser.

Quand tout est tourné sur l’impact des avants, quel est le plan B pour remporter les matchs ? C’est là qu’on en vient aux méthodes d’entraînement et au management de Ronan O’Gara. Lors de son arrivée à La Rochelle en 2019, le manager irlandais impose tout de suite son style de jeu et d’entraînement. Or comme décrit auparavant, où sont les évolutions depuis 2019 ? Le discours semble toujours aussi sec et direct, ne laissant pas certains joueurs insensibles à cela. Le manager irlandais ainsi que son staff doivent eux aussi se remettre en question et se renouveler.

Si le discours de Ronan O’Gara a divisé et a fait partir certains joueurs, des décisions sportives discutables se traduisent simplement par un manque de temps de jeu accordé aux jeunes du centre de formation, qui pousse pour intégrer l’effectif professionnel en Top 14. Le caractère du manager rochelais n’est plus à présenter mais continue de causer des problèmes cette saison, notamment auprès de la LNR avec une suspension de cinq semaines subie en fin de saison, laissant ainsi les joueurs dans une forme d’”autogestion”.

Des méthodes que l’on peut ainsi qualifier de désuètes et auxquelles les joueurs sont moins réceptifs qu’avant. Cette situation a laissé Ronan O’Gara sans solution pendant un long moment, ce qui a irrité ce dernier au micro des journalistes lors de la conférence de presse d’avant match face à Bayonne en avril dernier : « J’ai déjà trop parlé avec vous », avait-il répliqué. Après ces succinctes paroles, “ROG” a quitté la conférence de presse, traduisant ainsi le véritable mal-être qui planait au Stade Rochelais.


105 jours

3 mois et demi. C’est la durée qu’aura mis le Stade Rochelais à retrouver le goût de la victoire. La série noire de neuf matchs sans victoire a été un véritable coup de massue pour les joueurs et les dirigeants du Stade Rochelais. Pour la première fois de son histoire, La Rochelle subissait neuf revers de rang, plongeant ainsi le club dans un flou total, jusqu’à parler d’une potentielle bataille pour le maintien en Top 14.

Même si les prémices d’un déclin se faisaient ressentir la saison dernière, personne n'imaginait que le Stade Rochelais perdrait autant de matchs d’un coup, et surtout que le Stade Rochelais se mette « à jouer le maintien ». Après une dernière victoire le 4 janvier 2025 face aux jeunes pousses de Toulouse, le Stade Rochelais commence à sombrer peu à peu et s’enlise dans une série fatale pour la fin de saison. Enchaînant défaite sur défaite à domicile et à l’extérieur, les joueurs avaient l’air désorienté sur le terrain et sans solution pour rectifier le tir. De plus, l'absence de certains cadres (Alldritt, Atonio, Boudehent…), durant la période de doublons n’a pas aidé à se sortir de la situation. La spirale négative est enclenchée, avec seulement quatre points pris en neuf rencontres (dont un match nul).

Le club va jusqu’à chuter à la 10ème place en championnat et s’est malheureusement vu jouer le maintien. La véritable question était de savoir comment le club allait se sortir de cette situation inédite, le moral des joueurs et du staff étant au plus bas. Tout comme celui du président, Vincent Merling. « Je préfère miser sur la stabilité », avait-il déclaré au micro de Canal+, affichant publiquement son soutien à Ronan O’Gara dans cette période de crise.

En total manque de confiance, les joueurs donnaient l’impression d’avoir peur d’entreprendre sur le terrain. Les mouvements de jeu étaient réalisés avec le frein à main, comme s’ils avaient peur de jouer ou de mal faire. Le doute étant pleinement installé dans la tête du club maritime, il semblait impossible de sortir la tête de l’eau.

Autre désillusion de la saison, l’élimination des Jaune et Noir en Champions Cup dès les huitièmes de finale. Quand on connaît l’importance qu’accorde Ronan O’Gara à cette compétition, cette élimination met une nouvelle fois en lumière la baisse de régime du club. Suite à cette défaite, les Jaune et Noir n'avaient qu’une chose en tête : se remobiliser pour la fin du Top 14. « Il faut maintenant sauver le club », alertait Ronan O’Gara après la défaite face au Munster.

En clôture de cette longue saison, Ronan O’Gara a admis lors de la dernière conférence de presse que le groupe était arrivé au bout de ses capacités. "C’est une fin de cycle, il n’y a pas d’autre mot", a-t-il avoué. « On a besoin d’un nouveau départ avec de nouveaux joueurs pour créer une émulation interne. Et j’espère aussi progresser dans mon coaching avec mon staff. », a-t-il poursuivi. Une déclaration qui résume assez bien les principales causes de l’échec de la saison, et qui laisse entrevoir l’espoir d’un renouveau sportif pour retrouver les sommets qu’a connu le Stade Rochelais.

 

                                      Thomas Fouquet

© Icon Sport