Mathieu Tanguy, l'histoire d'un enfant rochelais exilé

Pour la première fois depuis plus de deux ans et demi, Mathieu Tanguy devrait revenir au stade Marcel-Deflandre. Un terrain qu'il connaît bien, avec ses 122 matchs disputés sous les couleurs rochelaises, lui qui est né dans la ville maritime et a fait toutes ses classes au Stade Rochelais. Retour sur le parcours tumultueux de l'enfant de La Rochelle, désormais à Perpignan.


Pour le futur deuxième ligne, l'histoire avec sa ville de cœur a commencé un mercredi, le 5 juin 1996 plus précisément. Formé au Stade Rochelais, Mathieu Tanguy touche ses premiers ballons ovales en 2001 et franchit toutes les catégories de jeunes chez les Jaune et Noir, une par une.


Un parcours de 100 matchs avant la chute

Ses débuts sont sur une très grande scène, puisque sa carrière professionnelle commence en Challenge Cup, le 24 octobre 2014, lors d'une rencontre entre l'Atlantique Stade Rochelais et l'Aviron Bayonnais. Remplaçant l'argentin Leandro Cedaro, il joue quasiment une demi-heure dans ce qui sera la seule victoire des hommes de Patrice Collazo dans la compétition.

Après une première saison à 173 minutes de temps de jeu puis une seconde à 290, le deuxième ligne, aussi bien capable de jouer numéro 4 que numéro 5, vit enfin une saison pleine en 2016-2017. Une saison qui plus est historique pour le Stade Rochelais qui termine en tête du Top 14. Titulaire 14 fois “seulement”, la faute à une deuxième ligne Eaton-Qovu d'excellente facture, il impose sa puissance physique et sa combativité. Il est décisif face à Brive, avec un essai (son tout premier en professionnel) à la 80ème minute, qui offre le bonus offensif à son équipe.

Suite à une saison 2017-2018 qui n'aura vraiment commencé qu'en janvier à cause d'une blessure, les deux saisons suivantes seront le pic de la carrière rochelaise de Mathieu Tanguy. Aux côtés du capitaine Romain Sazy, il enchaîne deux saisons à 1379 puis 1298 minutes. Le deuxième ligne aura particulièrement joué durant la saison tronquée par la Covid-19, alors qu'il avait été titulaire lors de 18 de ses 20 rencontres. La dernière d'entre elles sera son centième match avec son club formateur et une humiliation subie face au Racing (49-0).

Cette lourde défaite marque le crépuscule du natif de La Rochelle avec son club de cœur. L'arrivée de Will Skelton annonce le début d'une nouvelle ère pour les Maritimes et la deuxième ligne que le géant australien s'apprête à former avec le capitaine Romain Sazy ne présage que peu de place pour lui.

En plus de cette arrivée qui rebat les cartes de la hiérarchie, Tanguy est également sanctionné pour comportement inapproprié en interne au début de la saison 2020-2021. Derrière l'intouchable duo Sazy-Skelton, c'est le jeune Thomas Lavault qui prend du temps de jeu en cas d'absence de l'un des deux titulaires. Il faudra attendre la fin novembre pour enfin revoir celui qui avait semblé enfin exploser la saison précédente. Mais son temps de jeu global reste famélique, avec 463 minutes seulement.

L'arrivée de Rémi Picquette, combinée aux prolongations de Lavault et Sazy durant l'été 2021, semblent définitivement effacer Mathieu Tanguy de l'effectif rochelais. Pour cause, il ne dispute que 264 minutes sur la saison, moins que sa seconde saison professionnelle, six ans auparavant. Neuf petits matchs joués, dont trois titularisations, toutes quand Skelton est indisponible. Il n'y a plus le choix, le Rochelais doit quitter sa ville, s'exiler pour relancer sa carrière qui semble ne plus lui appartenir depuis ce centième match maudit.


Partir pour mieux rebondir

Partir loin de La Rochelle était nécessaire pour Mathieu Tanguy et Toulon l'a accueilli avec un défi à sa taille : remplacer le colosse Eben Etzebeth sur la Rade. La deuxième ligne toulonnaise est assez floue avec le départ du sud-africain. Aucune hiérarchie ne semble clairement définie.

Dans le Var, l'ancien rochelais reprend des couleurs et joue 21 fois, pour 10 titularisations. S'il n'apparaît pas comme un titulaire indiscutable, derrière le duo Alainu'uese-Rebbadj, il partage le rôle de troisième homme avec l'expérimenté Lopeti Timani, lui aussi passé par La Rochelle (de 2018 à 2021). Profitant de la blessure en fin de saison de Swan Rebbadj, il finit la saison en position de titulaire au poste de numéro 4, remportant la Challenge Cup face aux Glasgow Warriors.

Hélas pour lui, ce retour en forme ne dure pas. L'intersaison 2023-2024 est un nouveau coup dur : l'international anglais David Ribbans arrive pour remplacer Rebbadj alors que le jeune Matthias Halagahu commence à faire son trou. Il ne dispute que 140 minutes sur les trois premières rencontres de la saison, quand Alainu'uese, Ribbans et Rebbadj sont indisponibles, à cause de la Coupe du monde pour les deux premiers, et d’une blessure de fin de saison précédente pour le dernier.

Un mois après son ultime match avec le RCT, Mathieu Tanguy rejoint l'USAP, alors lanterne rouge du championnat. Dans un club en difficulté, Tanguy se relance à l’image de son équipe, en étant titulaire 12 fois en 20 matchs. Avec une équipe bonne dernière, Perpignan termine finalement dixième, avec un confortable matelas d'avance sur les équipes jouant le maintien. Aux côtés du crack Posolo Tuilagi, Mathieu Tanguy partage son temps de jeu avec le champion du monde Marvin Orie.

Après dix saisons en Top 14, celui qui a dû vivre le difficile exil loin de ses terres rochelaises semble enfin avoir trouvé son rythme de croisière en Catalogne. Alors que Posolo Tuilagi et Jaco van Tonder reviennent tout juste de leurs graves blessures et que Marvin Orie semble avoir du mal à enchaîner, Mathieu Tanguy a tenu la baraque au sein d’une équipe décimée. Pour ce dernier, ce match de la peur signera son grand retour sur les terres de ses débuts, plus d'une décennie après sa première apparition en Challenge Cup.

                                            Hugo Betoule

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