Retour à l'âge de Pierre

Après six mois d’absence, le Gersois a connu une reprise tonitruante face au Racing 92, malgré la défaite des siens. Une réapparition très attendue, poursuivie la semaine suivante par son 150ème match sous le maillot jaune et noir et un capitanat, en l’absence de Tawera Kerr-Barlow et Grégory Alldritt.

Les Rochelais peuvent être rassurés. Pierre Bourgarit est bien de retour sur les pelouses de Top 14, pour le plus grand bonheur des supporters. Le talonneur à l’accent chantant est l’une des coqueluches de La Rochelle. Son impact et son âme de leader en font un joueur aussi exceptionnel que fantasque. À peine revenu sur le pré, le natif de Gimont a rapidement repris ses galons de capitaine dès son 2e match cette année (en l’absence des internationaux majeurs). Depuis huit ans, il incarne le talonneur agile, rapide, athlétique et n’a cessé de grimper les échelons pour devenir incontournable à son poste et s’ouvrir les portes de l’équipe de France. Il est aujourd’hui le troisième talonneur dans la hiérarchie.

Du FC Auch au Stade Rochelais : l’histoire d’une ascension fulgurante

Les terres gersoises ont formé de grands champions, à l’instar d’un certain Antoine Dupont, Anthony Jelonch ou encore Grégory Alldritt. Dès les catégories cadets, Pierre Bourgarit se trouve dans un vivier très riche. En 2014, Auch polit son diamant de 17 ans, des années où le club auscitain est certes en déclin mais jouit d’une grande renommée par ses performances dans la première décennie du XXIe siècle. C’est dans une bonne école et un environnement festif fortement tourné vers le rugby de village, de passion, que le petit blondinet se façonne. À tel point qu’avant de partir vers la côte atlantique, il remporte le titre de champion de France de Nationale B en 2017, toujours aux côtés de son coéquipier et ami Grégory Alldritt. Un contrat espoir l’attend alors pour deux ans avec une formation aux côtés de joueurs historiques et expérimentés, tels que Hikairo Forbes et Jean-Charles Orioli. Il ne tarde pas à se faire remarquer dès sa première titularisation avec les grands (au bout de 9 matchs avec le groupe professionnel) en coupe d’Europe face au Wasps, un club multi-titré à l’échelle européenne, au terme d’une course folle de 80 mètres, dont lui seul a le secret.

Pierre Bourgarit n’a que 20 ans et bouscule déjà la hiérarchie. En 75 matchs de Top 14, son compteur d’essai s’élève à 22 unités, dont 9 pour la seule saison 2020-2021, une statistique ahurissante et un record pour un joueur de première ligne. C’est ainsi que lors d’une interview accordée au quotidien Sud-Ouest en décembre 2021, il déclare « avoir envie de voir sa tronche sur le mur des Centurions ». Cette phrase donne le ton d’un joueur rempli de panache et de fougue.


Un tempérament préjudiciable

Pierre Bourgarit est sans conteste un bon joueur de rugby dès son jeune âge. Pourtant, le talent ne fait pas tout. Son caractère le freine parfois dans sa progression, mais va lui forger une mentalité nécessaire pour exister au haut niveau. Lors de son premier capitanat dans la capitale parisienne le 5 décembre 2017, Ronan O’Gara tire du positif de la prise de responsabilités de son joueur : « J’ai été un peu surpris par l’envie qu’il a donnée, la fierté qu’il a prise. Ça a été énorme de voir de regarder ce mec qui représente les valeurs du rugby. Il a été hyper organisé, il a bien préparé son discours ». Une prestation également saluée par un certain Grégory Alldritt, qui révèle « un joueur du genre maniaque », formé à la rigueur du leader. Il faut dire que d’autres figures du Stade Rochelais assurent le rôle de leader comme Romain Sazy ou Kévin Gourdon, des joueurs auxquels le jeune formé par Grégory Patat notamment, voue un profond respect. En équipe de France, ses adversaires trouvent en lui une forte tendance à l’énervement et c’est ce qui en fait un joueur moins fiable aux yeux de Fabien Galthié. En plus d’être un peu trop sûr de lui et un manque d’investissement qui le fait sortir ponctuellement du groupe international.

Pas épargné par les blessures

Pourtant, le fort tempérament de Pierre Bourgarit trouve son noyau dans la résilience dont il a fait preuve face aux nombreuses blessures subies. D’abord en 2018 où sa cheville le lâche avant de rejoindre les Barbarians français, puis au genou en 2020 avant le Tournoi des Six Nations, finalement annulé à cause de la pandémie du Covid-19. Et cela ne s’arrête pas là lorsqu’en 2021, au terme du dernier match de la phase régulière de Top 14 contre Clermont, il sort à une minute de la fin, touché au ménisque, et rate les échéances finales. Vous le pensez suffisamment lésé ? Force est de constater que le sort continue de s’acharner à l’hiver 2023, à l’approche de la liste de Fabien Galthié pour le rendez-vous européen annuel des Bleus. Pourtant, le Gersois ne « s’estime pas maudit », il déclare que « c’est le hasard et que ça tombe mal à chaque fois ». La suite et la fin ? Une épaule en janvier 2024 et une fracture du tibia en septembre qui le tiendra éloigné des terrains pendant presque six mois. Une année noire pour le coéquipier de Grégory Alldritt qu’il espère transformer en réussite cette saison, après s’être reposé mentalement et renforcé athlétiquement. Après la défaite contre le Stade Français, il assure que « cela va tourner » et se sent prêt à aider son club en grande difficulté actuellement.

L’âme d’un champion

Pierre Bourgarit a certes connu un chemin semé d'embûches, mais il reste un joueur de haut niveau. Ce gratteur, coureur et formidable défenseur n’a cessé de démontrer qu’en plus d’être un sportif accompli dans son club, il l’est aussi à l'échelon international, ce qui lui vaut des convocations en équipe de France. Freiné par les blessures, il n’a pu exprimer la pleine mesure de son talent mais avec 14 sélections au compteur, il a tout de même participé à la Coupe du monde 2023 en France, en étant le numéro 3 au poste derrière les intouchables toulousains Peato Mauvaka et Julien Marchand. En Top 14, il a aussi conservé sa régularité en étant régulièrement le premier choix de son manager, alors même que des talonneurs comme Facundo Bosch (international argentin) ou Quentin Lespiaucq, auteur d’une très belle première saison avec 30 matchs mais surtout une seconde où il a montré tout son talent en alignant 15 titularisations en 29 matchs, en raison notamment des blessures à répétition de Pierre Bourgarit. Ses performances le mènent au succès européen par deux fois en 2022 et 2023 et à un quart de finale de Coupe du monde malheureux en 2023 avec la France, en plus des finales perdues en championnat.

En tout état de cause, son palmarès ne manque pas de prestige et prouve que ses 150 matchs sous le maillot Jaune et Noir ne sont pas usurpés. Il a l’âme d’un vrai leader et son talent le rappelle vers Marcoussis, le temple du rugby français. Preuve que même éloigné des terrains, le Gersois de 27 ans trouve toujours la force de revenir et de s’affirmer comme un joueur marquant du Stade Rochelais et parmi les joueurs d'importance au sein du dispositif français.


                                        Etienne Barthod

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