Rétrospective du plus grand exploit de l’histoire du Stade Rochelais : le back to back

À l’occasion de la finale de Champions Cup 2025 opposant l’Union Bordeaux-Bègles à Northampton, la rédaction de Fièvre SR vous replonge dans le passé pour vous refaire vivre le plus grand exploit de l’histoire du Stade Rochelais : le back to back !


11 Juin 2022, le Stade Rochelais vient de se faire éliminer en barrage de Top 14 par le Stade Toulousain. C’est la fin d’une très longue saison pour les Jaune et Noir, qui s’écroulent sur la pelouse d’Ernest-Wallon. Le premier sentiment ? De la tristesse évidemment. Mais très rapidement, le soulagement et la joie reprennent le dessus chez les hommes de Ronan O’Gara. La plus grande saison de l’histoire du club vient de se clore sous la chaleur toulousaine. Les Maritimes ont remporté le premier titre de leur histoire en devenant champions d’Europe le 20 mai 2022. Et c’est en héros et avec le sentiment du devoir accompli que les joueurs partent en vacances. Mais Ronan O’Gara et son président Vincent Merling ne sont pas en reste, ils en veulent plus et rêvent grand !


Un mercato digne d’un champion d’Europe

En coulisses, le staff et la direction ne s’en cachent pas, ils veulent créer l’exploit de faire un “back to back” et être la première équipe à soulever la nouvellement nommée Champions Cup deux fois d’affilée depuis les Saracens et ses deux coupes d’Europe d’affilée. Pour oser rêver de cet exploit, il faut entreprendre un mercato à la hauteur de ses ambitions. C’est ainsi que débarquent Teddy Thomas, George-Henri Colombe, Yoan Tanga, Antoine Hastoy, Quentin Lespiaucq, Thierry Paiva, Ulupano Seuteni et Ultan Dillane sur la côte Atlantique. Entre joueurs prometteurs et joueurs confirmés, le Stade Rochelais réalise un mercato parfait avec un équilibre entre talent et expérience. Un groupe qui a déjà gagné, des recrues pour compenser les départs, le club à la caravelle aborde cette nouvelle saison avec de réelles certitudes et une grande ambition.

Mais avant la Champions Cup, il y a le Top 14 à disputer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Maritimes réalisent un début de championnat mitigé. Avec un bilan de sept victoires pour cinq défaites, les Rochelais sont 4ème au classement avant d’entamer cette nouvelle campagne européenne. Il faudra donc être plus constants dans les résultats, surtout quand on sait à quel point une défaite en phase de poule peut impacter le parcours d’une équipe en phase finale.


Une phase de poule parfaitement maîtrisée

Le tirage au sort a été plutôt clément pour le club maritime, qui affronte les Saints de Northampton et la province irlandaise de l’Ulster sur des matchs aller-retour.

Le premier match oppose le Stade Rochelais à Northampton. Pour ce premier match de Champions Cup depuis la finale victorieuse, les Jaune et Noir font honneur à leur statut en s’imposant sur le score de 46 à 12 avec le bonus offensif. Pour sa première européenne, Antoine Hastoy a animé le jeu rochelais d’une main de maître et a continué à confirmer les espoirs placés en lui en début de saison.

Pour le second match, les hommes de Ronan O’Gara se déplacent à l’Aviva Stadium, terre de la future finale. Toujours très solide, les visiteurs s’imposent sur le score de 36 à 29. Auteur d’une première mi-temps maîtrisée (0-29), les Maritimes se relâchent en seconde et les Ulstermen en profitent pour inscrire 29 points. Mais l’essentiel est là, deuxième victoire d’affilée pour le Stade Rochelais.

C’est sous la pluie rochelaise du mois de janvier que commence la phase retour des matchs de poule. L’Ulster se déplace au stade Marcel-Deflandre. Sous des trombes d’eau, La Rochelle réussit à s’extirper du piège irlandais en s’imposant sur le petit score de 7 à 3. Ce match ne fera clairement pas partie des annales des plus grands matchs de rugby. Ce sera même la confrontation la moins prolifique en termes de points inscrits de la saison 2022-2023 de Champions Cup. Mais pour Ronan O’Gara et son staff, dans cette compétition, seule la victoire compte.

Le dernier match de poule est élémentaire pour les Maritimes. S’ils gagnent, ils s’assurent le droit de recevoir tous leurs adversaires de phase finale à domicile. Un avantage non négligeable dans cette compétition, tant le public peut être un levier de motivation dans les moments compliqués. C’est avec cette motivation que les Jaune et Noir concluent parfaitement cette première phase en s’imposant 31 à 13 sur la pelouse du Franklin’s Garden avec le bonus offensif. La mission est remplie avec ces quatre victoires en quatre matchs. Le Stade Rochelais termine premier de sa poule et recevra jusqu’en demi-finale.


Une phase finale haletante

Tout commence le 1er avril 2023, à Marcel-Deflandre, dans un huitième de finale face à Gloucester. Sur le papier, l'affiche semblait déséquilibrée, mais les Anglais ont vendu chèrement leur peau. Ce match a obligé les Rochelais à puiser dans leurs réserves mentales et physiques. Malgré une domination globale des Rochelais, Gloucester s'accrochait et revenait à chaque fois dans la partie. La Rochelle a dû s'en remettre à la puissance de son pack et à un essai salvateur de Teddy Thomas pour arracher la victoire 29-26. Un avertissement sans frais, mais un premier test de caractère réussi. « Ce genre de match te rappelle que rien n’est jamais acquis en Coupe d’Europe », constatait Ronan O’Gara en conférence de presse.

En quart de finale, c’est une tout autre montagne qui se dresse : les Saracens, triple champions d’Europe. Ce choc des titans a tenu ses promesses en termes d’intensité. Le Stade Rochelais, fidèle à son ADN, a pris le combat à bras-le-corps. Les avants ont dominé la conquête, à l'image d'un Levani Botia XXL et élu homme du match. Antoine Hastoy, impeccable au pied, a capitalisé chaque faute adverse. Résultat : une victoire autoritaire 24-10. « On a haussé notre niveau de jeu au bon moment », confiait Grégory Alldritt après la rencontre. Les Maritimes ont montré qu’ils étaient prêts pour les sommets.

Puis, direction Bordeaux pour une demi-finale d’un tout autre genre, face aux Exeter Chiefs de Jack Nowell. Dans un Matmut Atlantique chauffé à blanc, les Rochelais ont livré un récital. Offensivement brillants, défensivement intraitables, ils ont fait exploser une équipe d’Exeter pourtant réputée pour sa robustesse. Score final : 47-28. Quatre essais inscrits en première période, une domination sans partage. Ce jour-là, La Rochelle a sans doute livré sa prestation la plus complète de la saison. « C’est notre rugby, quand tout s’aligne, ça devient irrésistible », analysait Jonathan Danty, rayonnant.

Ces trois étapes ont forgé un collectif plus soudé que jamais. Les Maritimes sont montés en puissance, apprenant de chaque match, ajustant leur jeu, renforçant leur mental. Loin de la lumière de la finale, ces rendez-vous déterminants ont préparé le terrain du triomphe. Ils ont rappelé que pour prétendre au trône européen, il faut d’abord survivre à l’enfer des phases finales.


Une finale historique : un exploit majuscule face au Leinster

Samedi 20 mai 2023. Jour de finale. Un sommet européen entre les deux meilleures équipes du continent, dans un Aviva Stadium acquis à la cause du Leinster. Deux équipes invaincues dans la compétition. L’une voulant créer une dynastie, l’autre voulant laver l’affront subi un an plus tôt. Mélangez tous ces éléments et vous obtenez une finale légendaire.

Une entame de match cauchemardesque

Le décor est planté d’emblée par une démonstration irlandaise. Dès les premières secondes, le Leinster met la main sur le ballon, dicte le rythme et impose une intensité asphyxiante. La Rochelle, fébrile, encaisse trois essais coup sur coup. À peine douze minutes de jeu et le score affichait un cinglant 17-0. La défense rochelaise craque, le carton jaune infligé à Tawera Kerr-Barlow alourdit encore la tâche. En tribunes, l’inquiétude est palpable. « Clairement, à ce moment-là, je me dis que l’après-midi va être très long », confiera plus tard Pierre Bourgarit, visiblement marqué. « Même si on essaie de garder la tête froide, c’est dur. »


Mais cette équipe ne doute pas. Pas après ce qu’elle a vécu l’an passé. Pas après avoir construit son identité dans l’adversité. Dès la fin du premier quart d’heure, les Rochelais remettent la main sur le ballon et engagent leur combat favori : la guerre des rucks, des mauls et des mètres gagnés à l’usure.

Une révolte menée par les avants

Le réveil rochelais fut progressif mais irrésistible. À la 20ᵉ minute, Jonathan Danty, lancé plein axe, profite d’une superbe séquence collective pour aplatir sous les poteaux. Puis, à la 37ème minute, Ulupano Seuteni surgit pour conclure un mouvement d’école. Le pack rochelais gagne du terrain, la mêlée reprend l’ascendant, et Antoine Hastoy convertit les points au pied. À la pause, malgré le score encore favorable aux Irlandais (23-14), l’équilibre a basculé.


Au retour des vestiaires, les Maritimes poursuivent leur entreprise de démolition. Le jeu au pied d’occupation devient chirurgical. Les avants imposent leur loi, les pénalités s’accumulent en faveur des Jaune et Noir. Deux nouvelles réalisations d’Hastoy ramènent La Rochelle à cinq points (26-21). Puis vient le moment de bascule.

Le coup de grâce signé Colombe

À la 72ᵉ minute, après un ballon porté et six phases de jeu, le pilier Georges-Henri Colombe s’écroule dans l’en-but, offrant aux siens leur premier avantage au score du match. Le silence s’abat sur les tribunes bleues. La transformation de Hastoy donne un court mais décisif avantage à La Rochelle (27-26). Une fin de match étouffante s'ensuit.


Le Leinster jette ses dernières forces dans la bataille. Mais la défense rochelaise, héroïque, tient bon. L’expulsion de Michael Ala’alatoa pour un déblayage dangereux sur Colombe, évacué sur civière, scelle le sort de cette rencontre au parfum d’épopée. « Ce match était fou. Mais on n’a jamais douté », résume Hastoy, épuisé mais grandiose.

Une victoire construite dans la douleur et la grandeur

Cette finale restera dans l’histoire du rugby européen comme l’une des plus spectaculaires et des plus renversantes. Elle incarne les valeurs de ce Stade Rochelais : courage, abnégation et foi absolue dans le collectif. « On n’a jamais lâché. Même à -17, on savait qu’on pouvait revenir », confiait en interview d’après match le capitaine Grégory Alldritt, ému aux larmes. Ronan O’Gara, l’architecte de ce groupe, savourait avec retenue : « Je suis fier de ces gars. Ils ont tout donné. Ce que l’on vit ensemble, c’est au-delà du sport. » Une juste récompense pour tout un groupe qui s’est donné les moyens de vivre ce genre d'émotions. En particulier pour Brice Dulin qui fêtait sa 50ème apparition en Champions Cup lors de cette finale, un vrai symbole pour lui.

Avec ce deuxième titre consécutif, La Rochelle entre dans une nouvelle dimension. Celle des grandes dynasties européennes. Mieux encore : avec 14 victoires d’affilée en Champions Cup, les Maritimes égalent un record vieux de deux décennies. Mais ce soir-là, à Dublin, ce n’était pas de chiffres qu’il s’agissait. C’était de cœur. De courage. La plus belle des victoires.

                                               Paul Franc

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