Stade Rochelais – Leinster : À jamais la première

Il y a trois ans jour pour jour, le Stade Rochelais remportait la première coupe d’Europe de son histoire. Pour l’occasion, la rédaction de Fièvre SR vous propose de revivre la finale victorieuse des Maritimes face aux Irlandais du Leinster au stade Vélodrome de Marseille ! Rétrospective.


Il y a des fois où on se dit qu’il y a un « alignement des planètes » : un ensemble de choses qui paraissent anodines pour certains, mais qui ont une forte valeur pour d’autres. Pour un Toulousain, c’est se dire que jouer une finale de Coupe d’Europe à Twickenham, temple du Rugby, pour une cinquième étoile, synonyme de suprématie européenne, face à une équipe Rochelaise inexpérimentée en la matière, c’est du pain béni.

Ajoutez à cela, un carton rouge durant la première mi-temps et vous avez tous les ingrédients pour que cette première finale de Champions Cup de l’histoire du Stade Rochelais, tourne à l’indigestion pour ces derniers. Les Rochelais avaient pourtant la même recette que leurs adversaires, mais, ils n’avaient pas encore un chef de brigade digne d’un menu européen.


Ronan O’Gara : l’étoile du Berger

Arrivé dans la cité portuaire en 2019 en provenance des Crusaders (Nouvelle-Zélande), le technicien et ancien grand demi d’ouverture irlandais, est nommé entraîneur principal par Jono Gibbes, où il travaillera sous la houlette de ce dernier. Leur première saison s’arrêtera brusquement au mois de mars 2020, suite à l’arrêt du Top 14 à cause de la pandémie de COVID 19.

L’inter-saison 2020/2021 sera marqué par les arrivées de joueurs qui vont considérablement améliorés l’équipe de par leurs expériences : Will Skelton, Raymond Rhule, Brice Dulin ou encore Dillyn Leyds.

La Rochelle finira second de la phase régulière de Top 14 et ira jusqu’à s’offrir la première finale de Top 14 de son histoire, quelques semaines après sa première finale de Champions Cup. Mais à chaque fois, le même bourreau : le Stade Toulousain, que ce soit à Twickenham (22 – 17) ou bien au Stade de France (18 – 8).

De Second à Chef

L’organigramme du Stade Rochelais change drastiquement à l’inter-saison 2021-2022. L’entraîneur des avants Grégory Patat est remplacé par le duo Romain Carmignani – Donnacha Ryan, épaulés par Gurthrö Steenkamp. Sébastien Boboul est promu entraîneur des arrières. Quant à Ronan O’Gara, il est désormais le manager général de l’équipe et a les clés du camion maritime. Le club à la caravelle enregistrera six nouveaux joueurs, parmi eux le pilier argentin Joel Sclavi et le centre international français Jonathan Danty.

Le nouveau chef de la brigade rochelaise n’a qu’une idée en tête : retourner en finale de Champions Cup, pour décrocher sa première étoile ! Plus qu’une envie, cela va devenir une obsession pour celui qui l’a déjà gagné deux fois (comme un symbole) en tant que joueur avec son club de toujours : le Munster. Lui qui détient le record du plus grand nombre de points marqués dans la compétition avec 1 365 points. C’est ainsi que le chef irlandais concocte sa recette et emmène avec lui tout un groupe dans le but d’accrocher une première étoile à leur tablier…

Une phase de poule à la sauce british

Pour débuter ce nouvel exercice européen, les hommes de Ronan O’Gara sont opposés aux anglais de Bath et aux écossais des Glasgow Warriors. La phase aller se déroule en décembre 2021 et la phase retour en janvier 2022.

Pour leur premier match, les Maritimes reçoivent dans leur antre de Deflandre les Ecossais. Petite victoire des locaux, qui se sont fait peur, sur le score de 20 à 13. Le second match des Jaune et Noir, prévu chez les Anglais, n’aura pas lieu à cause de cas de COVID détectés chez les joueurs de Bath.

Cette même équipe de Bath sera bien présente à Marcel-Deflandre pour débuter la phase retour et prendra un cinglant 39 à 21. Enfin, pour son dernier match de poule, le Stade Rochelais se déplace au Scotstoun Stadium de Glasgow et conclut par une victoire 38 à 30, une campagne européenne parfaitement huilée.


Des phases finales à la sauce… française !

Une innovation pour cette Champions Cup 2020-2021, l’apparition d’un 8ème de finale en format aller-retour, avec un cumul des scores. Les Maritimes, invaincus dans la compétition mais avec un match en moins, se classe 3ème de la phase de groupe global et ont donc la possibilité de recevoir le 8ème de finale retour.

Leur adversaire sera la jeune équipe de l’Union Bordeaux-Bègles, qui dispute sa toute première campagne européenne. Le match aller se déroule au stade Chaban-Delmas de Bordeaux, où les Rochelais s’imposent nettement sur le score de 13 à 31.

À noter qu’une semaine plus tôt en Top 14, les Maritimes s’étaient imposés sur cette même pelouse à la dernière seconde, sur une pénalité de Ihaia West. Le match retour à Deflandre est un peu plus serré, les coéquipiers de Grégory Alldritt sont plus dans la gestion, mais s'imposent tout de même 31 à 23.


En quart de finale, les Charentais-Maritimes reçoivent Montpellier et s’imposent assez largement 31 à 19. Pour leur demi-finale, les Rochelais affrontent la dernière équipe française sur leur route, le Racing 92. Le match n’a pas lieu à la U Arena de Nanterre, mais à Lens, au stade Bollaert. Le match est très disputé, mais les Maritimes viennent à bout des Franciliens 13 à 20, avec notamment un essai de Ihaia West à la dernière minute. Les hommes de Ronan O’Gara s’octroient une deuxième finale de Champions Cup consécutive.


Une finale à la sauce irlandaise, dans le chaudron du Vélodrome

Une fois n’est pas coutume, le Stade Rochelais ne retrouve pas en finale le Stade Toulousain, mais, une autre (très) grosse équipe, la province irlandaise du Leinster. Les hommes de Leo Cullen ont balayé ceux d'Ugo Mola dans l’autre demi-finale (40-17) et sont désormais favoris pour cette finale.

Le moment opportun pour le chef irlandais Ronan O’Gara de donner le secret de la recette à ses joueurs pour battre ces Irlandais qu’il connaît si bien, pour les avoir affrontés à de nombreuses reprises durant sa carrière de joueur. Être pragmatique et ne pas leur laisser une once d’espoir de remporter ce match.

Dans un Stade Vélodrome incandescent, les 23 Rochelais et leur quelques 30 000 supporters qui ont fait le déplacement de plus de 600 km, font face à l’armada Irlandaise qui compte dans ses rangs un certain Jonathan Sexton, l’héritier de Ronan O’Gara, au poste d’ouvreur du XV du Trèfle.

L’atmosphère est électrique. La pression se fait ressentir, que ce soit d’un côté comme de l’autre. Les Rochelais se montrent très indisciplinés, durant les 10 premières minutes, avec notamment quatre pénalités en sept minutes. L'ouvreur irlandais Jonathan Sexton ne se fait pas prier et convertit deux de ces quatre pénalités face aux poteaux (6-0). Les Maritimes n'abdiquent pas. Mieux, ils prennent l'avantage grâce un essai de Raymond Rhule, après un formidable travail de Dillyn Leyds (6-7, 9ème min). Mais les hommes de Ronan O’Gara, retombent dans leurs travers et encaissent deux nouvelles pénalités convertis par Jonathan Sexton. 12 à 7 pour le Leinster à la pause.

Tout juste sorti des vestiaires, le Stade Rochelais réduit l'écart grâce à une pénalité d’Ihaia West (12-10). Les Maritimes concèdent deux nouvelles pénalités que Jonathan Sexton s'empresse de transformer (48 et 53ème min), offrant ainsi un matelas de huit points d'avance à son équipe.

Les Jaune et Noir s’appuient alors sur leur force de frappe : un paquet d'avants en état de grâce. Après une touche trouvée dans les cinq mètres irlandais, suite à une pénalité, Pierre Bourgarit s'extirpe du maul et fonce derrière la ligne. Les Rochelais reviennent à un petit point, 18 à 17.

Leurs vieux démons refont surface une nouvelle fois. L’an passé, Levani Botia avait pris un carton rouge au bout d'une demi-heure de jeu et avait laissé ses partenaires à 14 pour le reste de la rencontre. Cette fois-ci, c’est Thomas Lavault qui écope d'un carton jaune. Ce dernier a fait un croc-en-jambe sur Jamison Gibson-Park. Jonathan Sexton transforme la pénalité et les hommes de Leo Cullen mènent de quatre points (21-17, 66ème min).

C'est alors que la magie du sport opère. Les Rochelais ne baissent pas les bras et entrent dans un état de grâce, transcendés par leur public venu en nombre dans les travées du Vélodrome. À 605 kilomètres de là, le Vieux Port de La Rochelle entre, lui aussi, en ébullition. Après une série de fautes irlandaises et de pick and go, Arthur « Gogo Gadgeto Bras » Retière marque l'essai de la gagne ! Au moment où l'arbitre de ce match, monsieur Wayne Barnes, accorde l'essai, nous sommes à la 79ème minute. Ihaia West va alors au bout des 60 secondes qui lui sont accordées pour transformer l'essai et emmener La Rochelle au paradis. La Rochelle est championne d'Europe pour la première fois de son histoire… et pas la dernière ! Une soirée à jamais gravée dans la mémoire de tous les supporters rochelais.


                                       Simon Bourdolle

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