Collazo - O'Gara : Deux chemins, deux destins

Ce samedi, le Stade Rochelais reçoit le Racing 92 en Top 14, pour la 17ème journée de Top 14. L’occasion de voir sur le bord du terrain un certain Patrice Collazo, confronté à son “héritier”, Ronan O’Gara. Deux entraîneurs aux méthodes et profils plus ou moins similaires, et surtout deux entraîneurs ayant chacun entraîné le Stade Rochelais et le Racing 92.


Les deux managers débutent leur carrière d’entraîneur dans le même club : le Racing 92. Patrice Collazo, en 2010, en tant qu’entraîneur des avants des espoirs. Ronan O’Gara arrive en 2013 à Paris, dans un premier temps dans le rôle de consultant pour le jeu au pied, puis l’année suivante, en tant qu’entraîneur de la défense des Ciel et Blanc. Suite à sa courte expérience dans la capitale (2010-2011), Patrice Collazo débarque à La Rochelle, en tant qu’entraîneur des avants, avec Fabrice Ribeyrolles (l’entraîneur des arrières, 2011-2014). Patrice Collazo restera sept ans.

Ces sept années passées au club ont permis au Stade Rochelais de franchir plusieurs caps, avec notamment une montée en Top 14 en 2014, puis une première qualification en phases finales du championnat et la première participation à la Champions Cup de l’histoire du club. L’arrivée de Ronan O’Gara en 2019 vient dans une forme de continuité pour aider le club à continuer de progresser pour ensuite permettre au Stade Rochelais de glaner ses premiers titres européens.

Des méthodes similaires

Aujourd’hui avec un peu de recul, on connaît globalement la manière de fonctionner des deux meneurs d’hommes. Ce sont deux entraîneurs avec un gros tempérament et sans langue de bois avec leurs joueurs. "En tant que joueur, il était déjà très exigeant. Il l’est encore plus en tant que coach", pose Marc Andreu, ancien ailier international, qui l’a connu au Racing (2013-2017) et à La Rochelle (2019-2020). S’il a quelque chose à vous dire, il ne va pas passer par quatre chemins. Mais ça ne l’empêche pas d’aller boire un café avec vous par la suite. Ce n’est pas quelqu’un de hautain. Il sait mettre les gens à l’aise. On peut lui poser des questions et échanger avec lui. C’est une force. ». Malgré cette étiquette de grande gueule qui leur colle à la peau, les deux hommes sont avant tout des entraîneurs « bâtisseurs », comme en démontre leur passage respectif en terre maritime. Chacun à leur manière, ils ont su construire un groupe compétitif dans la durée qui leur a permis de faire grandir le club d’année en année.


Patrice Collazo a d’abord bâti son succès en s’appuyant sur plusieurs cadres et en produisant un jeu plutôt agréable à regarder et a su compter sur tout le soutien des dirigeants du club et du staff qui l’entourait. Et derrière tout ça, il y avait et il y a toujours un facteur qui ne change pas : l’engouement autour du Stade Rochelais. Depuis 100 matchs, Marcel-Deflandre affiche guichets fermés à chaque rencontre de Top 14. De son côté, Ronan O’Gara s'est appuyé sur les quelques bases qui restaient du passage de l’ère Collazo pour ensuite y apporter sa touche personnelle, avec un jeu principalement basé sur le paquet d’avants.

Autre similitude qu’on peut leur trouver, c’est leur réticence aux médias. Ronan O’Gara, comme Patrice Collazo, se confie rarement aux médias et essaye de rester le plus discret possible quant à la communication (cf. notre article sur Patrice Collazo). Par exemple, à La Rochelle, Patrice Collazo ne voulait pas de caméra dans le vestiaire. Ronan O’Gara lui n'est pas trop fan des conférences de presse. Il s’arrange toujours pour ne pas y aller ou en tout cas le moins possible. Quand il était au Racing 92, le manager irlandais ne voulait jamais se rendre en conférence de presse, malgré les demandes de Laurent Labit et Laurent Travers, ses supérieurs.

Un succès différent

C’est le principal point qui différencie ces deux entraîneurs : l’armoire à trophées n’est pas autant remplie du côté de Patrice Collazo que de Ronan O’Gara. En effet, l’entraîneur irlandais compte quelques trophées à son palmarès en tant qu’entraîneur : un bouclier de Brennus, deux coupes du Super Rugby et deux Champions Cup. À l’inverse, Patrice Collazo ne compte aucun trophée à son actif. Ces dernières années, le coach français a même « changé de catégorie », puisqu'il est maintenant appelé dans les clubs en tant que « pompier de service », comme actuellement au Racing 92. Un rôle qu’il accepte volontiers. Je m'étais dit que je ne le ferais plus car je l'ai déjà fait deux fois, à Brive puis à Montpellier, et que c'est contraignant. Ça demande une adaptabilité de tous les instants. Quand le président (Jacky Lorenzetti), avec lequel j'ai toujours eu des rapports cordiaux, m'a appelé, j'étais très surpris. Le Racing, c'est le club où j'ai fini ma carrière de joueur et commencé ma carrière d'entraîneur (avec les Espoirs). J'ai entraîné pendant deux ans, on a décroché un titre, et ça n'était pas arrivé chez les jeunes depuis très longtemps. Avec le président, notre échange a duré dix minutes, on est très vite tombé d'accord et on s'est tapé dans la main.”précise t-il en conférence de presse d’avant match face à Vannes.

Suite à son passage « raté » à Toulon, le manager français voit son image se dégrader petit à petit dans le rugby français, cela s’accentue suite à la désillusion briviste. Après seulement 11 mois en poste à Brive, Collazo est limogé, pour manque de résultats en Pro D2, suite à la descente l’année précédente. Aujourd’hui, la culture de la gagne est plus du côté de l’entraîneur irlandais qui a su trouver rapidement la recette pour remporter des trophées en tant qu’entraîneur adjoint et entraîneur principal, à La Rochelle. La cote du manager rochelais reste actuellement très élevée sur le marché, avec des rumeurs qui l’envoient dans différentes sélections mondiales et qu’il précise lui-même Il y a des postes pour lesquels je mordrais quelques mains". Il ajoute ensuite qu’il aurait des préférences pour certaines sélections, même s’il précise avant tout qu’il est sous contrat avec le Stade Rochelais. “Je n’ai pas pensé à cela pour être honnête. Sans vouloir manquer d’humilité, je préférerais l’Irlande, l’Angleterre ou la France.”propos rapportés par The Guardian. La trajectoire de Patrice Collazo n’est pas la même, puisqu’il se retrouve à enchaîner les clubs en difficulté.


Patrice Collazo comme Ronan O’Gara, ont su marquer de leur empreinte le club à la caravelle, en ayant chacun dans leur style fait nettement progresser le club au niveau national ainsi qu’au niveau européen. L'un a ouvert la voie, l'autre a incarné la continuité. Le Stade Rochelais est aujourd’hui reconnu comme un grand club européen, grâce au gros travail réalisé par ces deux entraîneurs qui ne laissent personne indifférent.


                                       Thomas Fouquet

© Mathieu Darras - Fièvre SR